Ne cherchez pas le bonheur !
Photo : Moi-même jouant (comme un pied !) au cricket avec des enfants dans les quartiers pauvres de Jaipur (Inde) en mars 2015 - il y a tout juste deux ans
Je n'ai jamais cherché le bonheur. Comme les philosophes antiques, j'ai préféré orienter ma vie vers une quête de Sagesse. Et dans cette perspective, le bonheur devient une conséquence de cette quête, non un objectif. Suivant cette quête (une quête utopique, car à mon sens nous pouvons nous approcher de la Sagesse mais jamais l'atteindre), j'ai été amené à remettre en question absolument toutes les « vérités » qui m'avaient façonné. Peu à peu, de Franco-Belge, je suis devenu Européen. Puis, d'Européen, je suis devenu Humain. Et d'Humain, enfin, je suis devenu « fils de la Terre et du Ciel étoilé » (pour reprendre la maxime pythagoricienne). De même pour toutes les autres cases étroites où l'on avait tenté de me confiner - caractère, orientation politique, spiritualité, genre, culture, signe du zodiaque, style, etc. : je les ai toutes déconstruites, une à une, mettant à nu leur véritable nature illégitime et virtuelle. Le chemin fut long et il est loin d'être terminé. Pour avancer dessus, j'ai dû travailler, lire, construire, déconstruire, apprendre, désapprendre, méditer, questionner, expérimenter, me tromper, apprendre de mes erreurs, rencontrer, voyager, voyager encore et rencontrer toujours plus d'Humains sur cette sacrée Terre ; des petites-gens, des grands seigneurs, des érudits, des analphabètes, des riches au cœur pauvre, des pauvres tellement riches, des aventuriers, des adeptes du train-train, des trafiquants d'armes, des pacifistes, des sorciers, des cartésiens, des puritains, des libertins... La conclusion de cette quête, je ne la connais pas. Comme je vous l'ai dit, celle-ci est sans fin, utopique. Toutefois, j'ai pu recueillir quelques indices au long de ce cheminement. J'ai appris, notamment, que l'âme humaine possède la même richesse quel que soit son lieu d'incarnation en ce vaste monde ; les Humains ne diffèrent que d'apparence et de vécu : intérieurement, ils possèdent les mêmes essences subtiles. J'ai appris aussi que la Lumière n'existe pas sans Ténèbres : que rien n'est contraire et que tout – en réalité - est complémentaire. Exit le bien et le mal. Que celui qui essaye de vous vendre une "Vérité" (quelle qu'elle soit) est un menteur ; et que celui qui s'attache à une identité ou à des frontières (quelles qu'elles soient) est un aveugle. Mais aussi que l'Humanité – et plus largement que la Vie – est "Une" et que, par conséquent, l'Autre est Moi et Je suis l'Autre. Que Tout est Harmonie. Et c'est lorsque l'on commence à prendre conscience de cette grande Harmonie que l'âme, en paix, dans cette reposante ataraxie, peut enfin se consacrer aux choses vraiment essentielles de l'existence, à savoir travailler à cette fameuse équation pythique que le voyageur, au terme apparent de son pèlerinage, pouvait trouver, gravée, sur le fronton de l'oracle de Delphes : « Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l'Univers et les Dieux ». Le vrai début du voyage ? Bref, tout ça en partant de cette belle photo que je venais de retrouver ce soir, et du sentiment de bonheur éprouvé en repensant aux rires francs et sans retenue de ces enfants. Mais « de mots en mots, les mots me menèrent » (pour paraphraser le Hávamál, illustre poème de la mythologie scandinave) car, en bon hypnothérapeute qui se respecte, j'aime laisser mon inconscient naviguer librement, poussé par le doux zéphyr de l'inspiration. D'autant plus lorsque je jette mes pensées sur le papier dans un poétique chaos ordonné. Enfin, pour conclure : ne partez pas en quête du bonheur, car si le bonheur est la quête, le chemin en est nécessairement dépourvu. Non, choisissez plutôt un chemin qui ait du sens pour vous, même s'il mène à quelque chimérique et inaccessible Cité. Car lorsque les échos des pas résonnent avec ceux de l'âme, voyage et bonheur se confondent en un seule et même chose.
Joffrey Dachelet